Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Danielle Dubé
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 7 juin 2014

Pétrie des vents marins de Métis-sur-Mer où elle est née et des ressacs dévorants du Piékouagami où elle vit, Danielle Dubé s’est lancée à l’abordage de l’écriture en conquérante. Rien de moins qu’un prix littéraire majeur, le prix Robert Cliche à son premier manuscrit, pour lui assurer une entrée remarquée dans la famille des écrivains québécois.

Tout est fougue et passion là où passe cette femme phare qui transcende le mot communication. Fille d’une institutrice à l’époque des interdits de travail pour les femmes mariées, elle peut compter sur l’appui d’une mère insoumise pour abolir toutes frontières, celles du savoir, des territoires et des rêves.

«La vie est un voyage dont le but est d’aller dans des directions inconnues», croit-elle. Très tôt, les lieux de sa vie se multiplient. Les Bois-Francs, Montréal et Québec pour les études où elle cumule les baccalauréats en sciences politiques, enseignement de l’histoire et du français et en ciblant à la fois le journalisme et l’écriture.

Menant de front les études, les amours, la maternité, le travail et les voyages, l’humeur combative de Danielle s’allume à l’ombre du mépris et de la ségrégation qui prévalent au Nunavik. Elle travaille à Kuujurapik où elle concrétise une première classe de français, indignée de la mise en place de deux cafétérias et deux salles de cinéma afin de séparer les autochtones des autres travailleurs. La fibre journalistique flambe la mèche de l’écrivain en devenir, sachant qu’être témoin exige de dénoncer. «Mon idéal est de favoriser le changement, de métamorphoser, de transformer les choses, le monde si possible. L’envie, la jalousie, l’égo sont la source de toutes les guerres. On ne se rend pas compte de se désintégrer à cause de cela, de se fragmenter, de s’abolir», s’insurge-t-elle.

À son retour d’un long périple où elle passe par l’Australie et séjourne dans plusieurs pays d’Europe, d’Afrique et d’Amérique, Danielle Dubé fait escale à Rimouski, de 1974 à 1975, le temps d’apprivoiser les communications à la télévision, à la radio, comme scénariste, recherchiste et journaliste. Grâce à son travail, elle accompagne un cinéaste sur un chalutier expérimental, côtoyant des scientifiques explorant les fonds marins du Saint-Laurent. Pour finalement accoster en plein cœur de recherches sylvicoles qui amplifieront sa passion de la flore des forêts boréales. De quoi prendre racine sur les terres du Saguenay–Lac-Saint-Jean où elle arrive en 1975 comme journaliste-reporteur à CBJ Radio-Canada, Multi-Média et Télé-Québec.

Femme de terrain plus que de studio, elle croit au journalisme d’enquête, peu tolérante envers une réserve prudente si c’est au dépend du droit du public à être informé. L’idéaliste va trouver son bonheur au département Art et technologie des médias du Cégep de Jonquière où, jusqu’en 2005, elle formera plus de 600 élèves en journalisme dont les bien connus Lyne Boily, Jocelyn Proulx, Johanne Marcotte et Yves Ouellet.

Présidente au conseil d’administration de CHOC-FM, aujourd’hui CKAJ, co-présidente de la Coalition pour la liberté d’expression au Saguenay–Lac-Saint-Jean en 1985, elle s’investit dans la défense des droits et libertés des femmes. Un combat qu’elle a voulu mettre en relief dans la grande fresque Le rêve de Marguerite, créée en collaboration avec Yvon Paré lors du 175e anniversaire de Jonquière. Dans cette comédie musicale, Marguerite Belley incarnait la détermination et le courage des pionnières : «À travers elle, nous pouvions illustrer l'idée de la continuité. Elle était une créatrice et a lutté contre l'assimilation. Ce sont ces valeurs que nous voulions montrer, parce qu'elles se continuent en nous.»

Digne héritière de ces pionnières, Danielle Dubé s’empare du verbe et nous le rend amplifié de cette flamme qui anime tout ce qu’elle pense, écrit, dit et fait. Ses livres exultent de son insatiable quête de la liberté, de l’identité, de l’authenticité : Les Olives noires (Prix Robert Cliche et prix de la Bibliothèque centrale de prêt) porte sur la confrontation des aspirations humaines dans le couple et dans le politique. Le Dernier homme et Le Carnet de Léo dissèquent les relations de la femme face à l’homme, de la fille face au père. Avec Un été en Provence, Le tour du Lac en 21 jours et Le bonheur est dans le Fjord, trois récits en collaboration avec son compagnon Yvon Paré, l’exploratrice partage et témoigne d’une géographie humaine dont elle mesure la grandeur.

L’écrivaine va plus loin que ses mots. Invitée à de nombreux salons du livre au Québec et en France, elle contribue aux débats sur les droits d’auteur, la liberté d’expression, la littérature, usant de toutes les tribunes pour donner aux écrivains québécois la place qui leur revient. Elle est active au sein de plusieurs conseils d’administration, notamment au Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean de 1998 à 2007, du comité Trans-Québec de l’Union des écrivaines et des écrivains du Québec de 2002 à 2008, de l’Association des écrivains de la Sagamie de 1995 à 2012. Elle a contribué à la création de nombreuses activités littéraires dont le Festival Mots et Merveilles, le Festival des Mets et des Mots et l’événement Correspondances.

Son œuvre comme ses luttes reposent sur la conviction que les choses valables doivent demeurer. Toute sa vie est un combat contre la consommation, l'éphémère, l'artificielle, les apparences. Un monde de formes et non de fond qui la pousse à se battre contre l'indifférence : «Il faut imaginer sa propre vie et en faire une œuvre de fiction. Il faut un rêve à partir duquel modeler son existence. On laisse s'installer les pouvoirs, les hiérarchies. Je refuse de croire inéluctablement que nous sommes condamnés à la guerre des pouvoirs, à la guerre des sexes. Il faut marcher ensemble, égaux, dans le respect de la personnalité de chacun.»

En l’accueillant, ce soir, nous lui manifestons notre désir de marcher avec elle vers cet idéal qu’elle maintient vivant dans notre région et au-delà.


Le 7 juin 2014
DANIELLE DUBÉ

Écrivaine, enseignante, femme engagée
grande défenderesse de nos écrivains

fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet

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mercredi 7 février 2018

De retour de Marrakech, Danielle Dubé sous le choc.




De retour de Marrakech, je vous souhaite la plus heureuse des bonnes années. Je suis encore sous le choc… Dans les rues, toutes ces femmes masquées par les voiles noirs de leurs niqabs. Invisibles, le plus souvent emmurées dans leurs maisons, rarement dans les restos et les cafés. La ville rouge, une ville pourtant si belle, si riche tant sur le plan de l’architecture de sa kasbah que dans ses jardins, son souk, sa palmeraie, maintenant recouverte d’un immense voile de smog aux heures de pointe : trafic extrême où se côtoient motos, voitures, ânes et camions diesel. Plus rien à voir avec la ville découverte, il y a 40 ans! À peine 20 ans, dit-on, il a fallu pour changer l’esprit de cette ville. L’effet du progrès en même temps que le retour fulgurant du religieux et de l’obscurantisme. Décidément, beaucoup d’hommes, dont beaucoup de musulmans, ont « un rapport malade avec le désir, avec le corps et la liberté, avec la femme …»  de dire l’écrivain algérien Kamel Daoud dans une entrevue accordée à Danielle Laurin de l’Actualité.

Heureusement, grâce à un ami, j’ai eu le privilège d’être reçue par une famille marocaine exceptionnelle qui m’a fait découvrir ses gens de l’intérieur. Des gens si accueillants, si généreux, particulièrement les femmes totalement dévouées à leur famille -trop probablement- que j’ai eu le plaisir de côtoyer à visage découvert dans leur maison. Le plus souvent en famille autour d’un tajine, d’un couscous à l’agneau ou d’un thé à la menthe. J’ai eu aussi la chance de rencontrer quelques femmes d’exception qui ont voyagé, étudié, sont devenues ingénieures, entrepreneures ou restauratrices. Des femmes Courage qui continuent à résister au climat ambiant. Il faut espérer un autre virage. Elles sont si belles les jeunes filles de 15-16 ans qui prennent la rue chaque matin en jeans, la queue de cheval au vent, comme les garçons pour se rendre à l’école. 


La chance que nous avons, bien que rien ne soit parfait au pays du « moi aussi » et du « me too», « le confort et l’indifférence » prophétisés par le cinéaste Denis Arcand étant sans doute l’un des pires pièges. Souhaitons-nous encore la liberté, entre autres celle de résister, de créer et de recréer nos vies. À une prochaine.

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Pour faire suite à mon texte sur Marrakech, entendons la voix des femmes. Celle particulièrement de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016 que Nathalie Collard nous a fait découvrir. Bientôt la voix d'une autre écrivaine sera aussi publiée à La Pleine Lune. Bonne lecture ! Elle est là aussi la mission des journalistes et des médias : faire entendre la voix des femmes.

Danielle Dubé raconte son voyage au Japon dans le carnet Le ciel de Kyōto






Dix femmes partent pour le Japon. « Le Japon, je n’en suis pas encore revenue. De la beauté des milliers de cerisiers en fleurs, sous la pluie ou le soleil, sur les kimonos des femmes. De toutes ces splendeurs printanières qui invitent à la contemplation le long du sentier du philosophe à Kyōto, autour des temples. Des gigantesques bouddhas laqués or supposés apaiser le peuple ou ramener la paix. L’illumination plutôt que la haine. » 

Nous étions dix Québécoises à parcourir ce pays paradoxal, de Tōkyō à l’île sacrée de Miyajima et Kyōto, la majestueuse inoubliable. Mon récit commence à Hiroshima, au parc du Mémorial de la Paix, là où est tombée la première bombe atomique. Des femmes lisent L’amant sous les cerisiers en fleurs. 

« Qu’est-ce qu’un carnet littéraire ? C’est peut-être avant tout une sorte de repos de l’écriture de fiction. Le carnet commence en effet souvent au moment où l’écrivain lève la tête de son manuscrit rebelle et se met à considérer ce qui l’entoure. Alors surgit, depuis toujours ajourné, le vieux rêve d’une autre approche, débarrassée du devoir de sens et de logique romanesque, le besoin d’un langage neuf, vagabond, exploratoire, libre. Et c’est parti ! » 
(Robert Lalonde, directeur de la collection « Carnets d’écrivains »)    

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À lire, cette entrevue accordée à Daniel Côté, publiée dans Le Quotidien du 17 novembre 2017 : 


mercredi 31 janvier 2018

Entre toi et moi, haïkus de Nicole Houde et Danielle Dubé, un vrai bijou.



ENTRE TOI ET MOI
de Danielle Dubé et
Nicole Houde




Nicole Houde nous a quittés en février 2016. Pour lui rendre hommage, Danielle Dubé a voulu réunir ces haïkus qu’elles ont écrits et partagés au fil des saisons. Ils évoquent ce que fut leur amitié et leur complicité. Ils nous livrent surtout leurs deux regards émerveillés sur la vie et la nature.

                       « Nous résistions au cynisme, au pessimisme actuel, 
                        à ce temps qui fuit comme le vent qui nous emporte »
                   précise Danielle Dubé dans le prologue.

Quatre encres acryliques de l’artiste Carol Lebel illustrent le livre. « Ces encres lumineuses traduisent, poursuit Danielle Dubé, le monde tel qu'on le voyait, Nicole et moi, sous le soleil de Wilson, l'été quand on s'y rencontrait. De la joie, une élévation comme dans une fugue de Bach. » Ainsi faisaientelles « provision de beauté », comme l’écrit si bien Nicole Houde dans La Vie pour vrai.
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Ce recueil évoque pour moi Vivaldi et ses quatre saisons dont chacun des mouvements est un rythme au rythme immuable de la vie, ou qu'on voudrait parfois ainsi.



Nicole Houde
Danielle Dubé

Entre toi et moi, Danielle Dubé et Nicole Houde.





 Pleine Lune, Montréal, haïkus, 100 pages, 20,00 $.









Relations de presse : Pleine Lune info@pleinelune.qc.ca
Tél. : 514-634-7954

Éditions de la Pleine lune www.pleinelune.qc.ca




        
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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.